Jamais sans fantasmes
Ma meilleure amie n'est jamais en manque de fantasmes, qu'elle puise au besoin dans des films de cul. En comparaison, je me trouve bien sage et limite normale...
Il y a fantasme et... fantasme. Pour nous, grand public, c'est un terme que nous avons mis à toutes les sauces comme simple témoin de nos espoirs ou de nos délires. "Mon fantasme sexuelle? Gagner une baise avec une pornstar ou de faire l'amour en public, ou encore un monde sans vêtements."
Pour le spécialiste, le fantasme a une signification plus fondamentale. Il est une construction mentale (un scénario, même très bref) souvent inconscient, et qui constitue la source vive, vitale, de notre psychisme et à laquelle se nourrit aussi bien notre imagination que notre sexualité.
Enigmes
Quelques fantasmes sont communs à tous, notamment ceux qui nous renvoient aux grandes énigmes de la vie. Parmi ces fantasmes dits originaires, le fantasme de scène primitive, de coït des parents. Nul besoin d'avoir visionné, comme au cinéma, cette scène - ou peut-être seulement une bribe par l'entrebâillement de la porte de leur chambre - pour se demander d'où l'on vient et dans quel creuset torride nous avons été fondus.
Où, quand, comment a commencé notre big bang personnel? Chacun porte en lui ses fantasmes archaïques, qui affleurent plus ou moins à la surface de sa conscience. Ces fantasmes-là ont pour mission de nous indiquer comment être avec l'autre, avec les autres, dans notre sexualité et les moments clés de notre existence. Ils sont bientôt rejoints par un cortège d'autres (jamais trop nombreux) plus ou moins élaborés, souvent plaisants et avec qui nous entretenons en général un commerce agréable, une forme de jeu.
Frontières
La femme a fréquemment un fantasme de rapt, d'enlèvement (que l'on retrouve dans beaucoup de contes et légendes: "Un jour mon Prince viendra... il m'emmènera") où l'on perçoit aussi la fonction déculpabilisante du fantasme: "C'est lui qui voulait, qui m'a prise. Je n'y suis pour rien. Une force - la sexualité - m'arrache à ma famille." Du Prince à la star de cinéma, puis au rêve de relation extraconjugale avec - souvent dans notre culture - un grand Noir idéalement viril et puissant, il n'y a qu'un pas.
Mais nos fantasmes rôdent aussi aux frontières d'une sexualité infantile perverse, avec l'exhibitionnisme et le voyeurisme (voir ou être vu en train de faire l'amour) ou bien zonent aux marges du sadomasochisme, de l'homo ou de la bisexualité. Chacun compose avec les fantasmes qu'il peut s'avouer, avouer à l'autre et le cas échéant, avec ceux qu'il(s) peut(peuvent) mettre en scène.
L'un des plus courants est le fantasme (masculin surtout) de faire l'amour à plusieurs, dans une sorte de fusion orgiaque. Ou celui du pubis féminin entièrement glabre, rasé ou épilé, façon de gommer les signes extérieurs des années, de retourner un peu en enfance.
Les gros seins et autres grosses fesses peuvent évoquer les variations crues des films pornos, leur sexualité facile qui fait de l'autre un objet - réduit à ses seuls organes génitaux - avec lequel bien entendu n'est possible aucune vraie relation, éventuellement difficile, voire conflictuelle. Une relation vivante quoi, mais riche, où le vécu prend du relief et de l'épaisseur et fait la nique à la banalité, au vide. Le véritable fantasme est très intime, souvent d'une grande banalité et très éloigné des scénarios complaisamment exhibés.
Rencontres sexe
On cultive infiniment moins ses fantasmes avec le pseudo-aphrodisiaque de la pornographie qu'en se frottant à la culture (pas seulement érotique) cinématographique, théâtrale ou à la littérature, en lisant par exemple "L'Amant de lady Chatterley", les aventures non politiquement correctes d'une lady et de son garde-chasse à moustache. Les fantasmes sont un réservoir de motivations, de désirs et de plaisirs. Ils font que l'amour n'est pas que la rencontre de deux sexes, mais qu'il y a tout le reste, ce qui est à côté, autour, au-dessus. La rencontre de deux êtres.
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