Mythes et légendes sexuels
La vérité, juste la vérité rien que la vérité!
Depuis toujours, il s'en dit de bien bonnes sur la sexualité. 0n se bidonne, à qui mieux mieux, sur le dos de nos petits bouts de muscles lascifs. C'est fou le nombre d'histoires incongrues que les parties intimes de notre anatomie nous inspirent. Et la prolifération de délire prend de l'ampleur bon an, mal an... C'est qu'à notre insu, ces drôles de monstres copulent et font des petits!
Nous avons peut-être le sexe faible (ce qui est de moins en moins vérifiable), mais une chose est sûre, nous avons le dos large. En effet, les mythes sexuels entourant les femmes sont souvent gros, pour ne pas dire grossiers. Les femmes n'aiment pas baiser, par exemple. La croyance voulant que l'appétit sexuel des femmes soit minime comparé à celui des hommes est l'un des stéréotypes qui nous les cassent! Masters & Johnson, Shere Hite, Nancy Friday et nombre de valeureux chercheurs en sexualité ont pourtant mis la hache dans ce genre de mensonges. Hélas! ceux-ci persistent. Ni la femme ni l'homme n'a de rôle sexuel précis. Alors, pour l'anorexie sexuelle, la passivité ou la gêne de l'une, et la voracité, le zèle ou l'initiative de l'autre, vive le troc. "Ne sois pas si fleur bleue Johnny! Laisse-moi faire, ça ne te fera pas mal!"
À l'autre extrême, nous avons toutes entendu un homme parler d'une affreuse nymphomane qu'il avait connue. Eh bien, croyez-le ou non, d'un point de vue scientifique, la nymphomanie n'existe pas! On devrait plutôt parler de sexualité hyperactive. Bon. D'accord. Mais alors, comment se fait-il qu'aucun mot ne désigne les mâles sexuellement hyperactifs? II y en a un : satyriasis, mais personne ne l'utilise. Merci les sexologues. Quel joli mot pour clouer le bec du prochain type qui me parle de nymphomanie. "Ton problème, pauvre ignare, c'est que tu ne connais pas le satyriasis! " Et vlan, un coup bas dans la testostérone! II paiera pour tous ceux qui, à la moindre manifestation d'enthousiasme de la part de leur partenaire, la traiteront de maniaque sexuelle.
Les femmes d'une nature froide sont les plus chaudes au lit. Je ne veux pas jouer les rabat-joie, mais ce serait plutôt l'inverse. La sexologue Ann-Frances Paradis, auteurs de La réponse sexuelle et ses perturbations (éd. G. Vermette, 1990), précise que nous vivons généralement notre sexualité comme le reste de notre vie. "Si nous sommes habituellement routiniers, nous risquons de l'être aussi sexuellement. Si nous craignons de faire de la peine aux autres, il est fort à parier que nous serons mal à l'aise de dire à notre conjoint "je n'aime pas ce genre de caresses"", soutient-elle. Dans cet ordre d'idées, nature froide le jour ne se réchauffe pas outre mesure la nuit.
Les femmes aux gros seins sont plus libertines. Celle qui s'aime accepte son corps et ses seins, gros ou petits. Bien dans sa peau, elle en jouit. "Ce que l'on remarque, c'est que plus une femme est à l'aise dans sa féminité, plus son corps s'épanouit", note Ann-Frances Paradis. La femme qui renie sa sexualité a souvent des allures hermaphrodites, et lorsqu'en thérapie, elle se réconcilie avec sa nature de femme, il arrive que son corps se transforme. "Même à 30 ans, la poitrine peut prendre du volume." La taille des seins n'a aucune influence sur le plaisir, c'est le bien-être de celle qui les porte qui est important. "Allez, Twiggy, souris un peu!"
Toutes les femmes perdent leur désir sexuel à la ménopause. Soyons sérieux deux minutes. L'ovulation et les menstruations disparaissent, la paroi vaginale s'amincit, la lubrification s'atténue, tout ça, à cause d'un remue-ménage hormonal. Sans aucun doute, mais on trouve en pharmacie divers lubrifiants, et les médecins prescrivent aussi des hormones, qui pallient cette panne sèche involontaire. Pour bien vieillir, le truc est de miser sur les avantages de l'âge, et non l'inverse. "Restons couchés mon vieux, que je puisse t'aimer encore!"
II n'y a pas de femmes frigides, il y a juste des hommes maladroits. Alors là, messieurs, il faudrait peut-être que vous suiviez un cours de caresses à prodiguer aux femmes; quant à vous mesdames, vous auriez intérêt à explorer votre corps pour découvrir où se cachent les replis érogènes de votre épiderme. "Ô miroir dis-moi..."
C'est dangereux de faire l'amour enceinte. Foutaise, ce n'est pas dangereux du tout. À moins d'indication contraire de son médecin, une femme peut avoir des relations satisfaisantes jusque tard dans sa grossesse. " Certaines gardent leur intérêt tout au long de la grossesse, d'autres le perdent. Pour beaucoup de femmes cependant, l'intérêt et les activités sexuelles diminuent au fur et à mesure que la grossesse avance ", lit-on dans l'ouvrage d'Ann-Frances Paradis. Mais comme on peut le constater, de danger, aucune mention.
Ernest Grafenberg, le chercheur allemand qui a mis le doigt sur le point G, était-il un fumiste? Zone - obscure s'il en est une - de la muqueuse vaginale d'où proviendrait l'ultime jouissance, le point G est-il une histoire de bonnes femmes? Non. Il existe vraiment des preuves scientifiques et histologiques qui le confirment. Mais nom d'une Bobinette, où est-il mon point G à moi? Au plafond... du vagin, à environ un demi-pouce à l'intérieur. Sauf que toutes les femmes n'y réagissent pas de la même manière. Les plus sensibles éjaculent un liquide (jusqu'à deux cuillères à soupe) que sécrète la glande de Skene, et qui est expulsé par l'urètre. Encore un autre truc qui n'est plus l'apanage exclusif des hommes. Décidément, ce n'est pas leur journée!
De sexe et des couleurs...
Les mythes sexuels entourant les gens d'une autre ethnie n'ont pas de frontières. Par exemple, ailleurs dans le monde, les Québécoises ont la réputation d'être de chaudes maîtresses. II doit sûrement circuler des réflexions encore plus croustillantes à notre sujet, mais moi ça ne m'empêche pas de dormir. Et vous? Les cultures différentes de la nôtre sont toujours auréolées de mystère, et là-dessus, les sexologues sont d'accord: cette part d'inconnu nous excite. Ces mythes nous font prendre, en quelque sorte, nos désirs pour des réalités. Ces caractéristiques extraordinaires que nous attribuons aux étrangers sont en fait de sympathiques prolongations de nos fantasmes.
Les latin lovers sont plus tendres et plus passionnés que les autres. Vous savez le genre Rocky et autres "étalons italiens". Claudine a eu un conjoint italien. "De tous les hommes que j'ai connus, il a été le plus sensuel", affirme-t-elle sans hésitation. Les peuples d'origine latine ont, de tout temps, été expressifs, passionnés et vifs. Le fait de leur attribuer une sexualité enflammée n'est pas toujours mal fondé, puisque nous avons la sexualité de notre nature. Mais partout, on trouve des moutons noirs. De même, il y a aussi des Italiens ténébreux et austères. Ou pire, des Gino Camaro macho qui concurrencent sans problème nos douches et Elvis Gratton.
Les Noirs sont plus membrés que les autres hommes. On n'a qu'à penser à l'affiche de cinéma de Comment faire l'amour à un nègre sans se fatiguer pour en rire. Toutefois, un petit sondage auprès de mon entourage me laisse croire que le mythe est répandu. À cet effet, il semblerait qu'une étude américaine se soit déjà penchée sur la chose. Des chercheurs ont mesuré les phallus d'hommes noirs et d'hommes blancs, et ils n'ont pas noté de différence significative. Même que, dans un pourcentage infinitésimal, les hommes blancs avaient une longueur d'avance. C'est vous dire! Les Allemandes ne font l'amour que pour des raisons de santé et d'hygiène. Pauvre Marlene Dietrich, elle doit se retourner dans sa tombe. "J'ai vécu en Allemagne, raconte Charles. Le peuple allemand est d'une rigueur absolue pour un tas de trucs comme l'heure d'un rendez-vous, mais de là à mettre toutes les femmes du pays dans le lit à la même heure..."
Les Canadiens anglais et les Britanniques (hommes et femmes) sont froids comme des pierres au lit. Pouvez-vous honnêtement imaginer Daniel Day-Lewis ou Jane Seymour comme de très piètres amants ? Pas vraiment! Les Français sont tous de bons amants. Française d'origine, Anne est formelle: "Illusion! affirme-t-elle. Ils sont très forts sur la drague, le jeu de la séduction n'a pas son pareil en France, mais au lit, ils sont loin d'être égaux." Avant de nous visiter, Laurence, une Marseillaise, avait eu des échos du manque de doigté des Québécois. "Des copines qui étaient passées par le Québec m'avaient dit que les hommes étaient beaucoup moins tendres que les Français. " En sexualité, comme pour le reste, des goûts et des couleurs on ne discute pas...
D'autres mythes inquiètent davantage. Un bel exemple? Les Asiatiques sont très pervers. Ce genre d'invention s'expliquerait par une cabriole de notre système nerveux. Le réseau neurologique lié à la peur fonctionne, à peu de choses près, comme celui de l'excitation sexuelle. Résultat: avoir peur nous stimulerait. Pour revenir aux amants d'Asie et clore la discussion, il faudrait définir la perversion. Pas facile. Ce qui est pervers pour l'un ne l'est pas forcément pour un autre... Enfin, il n'y a pas que la nationalité pour nous inciter à la rigolade ou à la peur. Ennuyeux comme un vendeur d'assurance... Prude comme une bonne soeur... Paresseux comme un fonctionnaire... Sanguinaire comme un boucher...
Petit traité d'anatomie
Alors là, on s'en est donné à coeur joie. Le nez, l'auriculaire et les pieds d'un homme donnent une idée précise de la taille de son sexe. Même chose pour les lèvres d'une femme. Parions que tous les hommes qui ont un nez recourbé n'exhibent pas forcément un pénis arqué, ou scientifiquement parlant, ne sont pas atteints de la maladie de Peyronie, "J'ai eu plusieurs clients qui avaient ce problème, et la théorie ne se vérifie pas" confirme Ann-Frances Paradis. Quant aux autres combinaisons, auriculaire, pieds et pénis, je ne sais pas, tout ça me paraît douteux."
Les hommes préfèrent les femmes aux gros seins ou les femmes minces. Dans la trentaine, Ann-Frances Paradis était inscrite en maîtrise à l'université. Avec son groupe d'amis, ils se sont mis à parler de préférences sexuelles et de fantasmes. "J'ai été très surprise, dit-elle. II y a des hommes qui aiment les femmes à moustache, à bedon, à grosses cuisses... J'ai même un ami dont la femme a beaucoup maigri, et il s'ennuie de ses rondeurs.
II y a de tout pour meubler le monde fantasmatique masculin, alors on devrait cesser de s'en faire avec ça." Les rousses ont un tempérament de feu, tout le plaisir est pour les blondes, et les hommes marient les brunes. Un, nous avons toujours le tempérament de notre personnalité et non de notre chevelure, cessons donc de couper les cheveux en quatre, même si la coloration satisfait toutes celles qui rêvent d'une autre tête et d'une autre houppe. Deux, le plaisir, c'est pour tout le monde. Trois, en cette minute, les blondes et rousses épouses se tordent de rire.
Autres mythes sexuels disparates
Grosse corvette, p'tite quéquette. Si c'était vrai, de quelle façon les coureurs de Formule 1 seraient équipés, anatomiquement parlant ? On entend ça d'ici: "Passe-moi le microscope chéri." Plus tu causes, moins tu peux... ou variante de grand parleur, p'tit faiseur. Pas sûr. "Les gens qui communiquent facilement sont généralement plus à l'aise dans leur sexualité", explique Ann-Frances Paradis.
Un bon amant procure toujours un orgasme à sa partenaire. Un petit conseil, messieurs: visionnez le film Quand Harry rencontre Sally avec Billy Crystal et Meg Ryan. Morale: on ne peut pas frapper un coup de circuit chaque fois qu'on va au bâton.
Les habiletés sexuelles sont naturelles, innées. Autrement dit, on les a ou on ne les a pas. Erreur, comme pour tout autre exercice ou talent, la sexualité se travaille par l'exploration et la pratique.
Les relations sexuelles font maigrir. Michel fait une demi-heure de bicyclette par jour. Lorsqu'il arrête, il est tout en sueur, son coeur pompe à 165 pulsations/minute, et il brûle environ 250 calories. Alors, si l'on cherche l'équivalent sexuel en termes de dépenses d'énergie, il faudrait être un adepte des livres de 100 positions et plus, et y mettre toute la gamme chaque fois... La taille du sexe mâle influence le plaisir de la femme. Rien à voir. À preuve, ce mot d'esprit: si vous vous mettez un doigt dans le nez, vous ne sentez rien, mais une paille, ça chatouille.
II est dangereux de faire l'amour dans un bain, car le sexe de l'homme risque d'être emprisonné à l'intérieur de la femme. On a interrogé des urgentologues, des sexologues, des chercheurs. On a téléphoné dans plusieurs hôpitaux. Tout le monde en a entendu parler mais personne ne l'a vécu. On lance d'ailleurs une invitation à toutes celles qui auraient cette expérience traumatisante dans leurs bagages, à nous écrire. On ne demande pas mieux que d'y croire, mais nous voulons des preuves. On ne s'arrête toutefois pas à un seul défi. C'est pourquoi, si vous croyez connaître un élixir miracle, vous pouvez également nous écrire pour nous en faire part.
Du côté des aliments aphrodisiaques et autres potions magiques, encore là, comme nous le disions, nous avons cherché. Même à faire l'expérience de plusieurs recettes glorieuses: ça ne marche pas. Du bois bandé martiniquais aux huîtres, du gingembre au ginseng, rien n'y fait. Leur effet est placebo. D'ailleurs, si quelqu'un avait trouvé quelque chose de vraiment aphrodisiaque et sans danger, ne pensez-vous pas qu'il serait mondialement connu et multimilliardaire. Sinon pourquoi avoir inventé le Viagra ? Du gros bon sens.
Et le spanish fly ? Comme les drogues dures (cocaïne, amphétamines et autres) pseudo-prodigieuses, les Ecstasy et les Poppers, c'est dangereux. Le spanish fly est une poudre de coccinelle très irritante qui, appliquée sur la peau des animaux, leur donne l'urgence de calmer les démangeaisons provoquées. Les humains, eux, l'avalent et menacent ainsi sérieusement leur santé. Cela peut causer une thrombose du pénis et conduire à l'incision d'une veine, ou encore à l'impuissance.
Certains, en mal de sensations fortes, ont pris de la strychnine (un poison) et de la belladone (une plante vénéneuse). Une jungle en rut a testé les testicules de boeuf, la poudre de cornes de rhinocéros, les griffes de tigre. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour s'exciter davantage! Chose certaine, on ne cessera pas d'inventer des mythes, de véhiculer des mensonges et de s'accrocher à des stéréotypes. Le trio procure bien trop de plaisir.
Fantômes et démons
Malgré l'air carrément rétrograde de certains mythes, on a fait de gros progrès. II suffit de fouiller un peu la littérature médicale ou la psychologie préfreudienne pour être glacée d'épouvante à l'idée que les spectres du passé puissent revenir. "Une femme honnête ne jouit pas", a dit la très noble et (trop) digne reine Victoria, qui occupa le trône de Grande-Bretagne et d'Irlande de 1837 à 1901. Ce qui fait de la plupart d'entre nous des femmes malhonnêtes comme c'est pas permis!
Plus récemment, le magazinePsychologies ("Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe", Anne Luria, avril 1988) nous a payé quelques frissons d'horreur, en reprenant les écrits de 1914 d'un certain Dr Surbled. Un petit conseil: asseyez-vous avant de lire ces extraits. "La femme doit s'efforcer, surtout quand elle est froide, de se montrer accueillante, chaleureuse, se gardant de toute action, de toute parole qui viendrait troubler son mari, elle doit surtout subir l'opération sans se laisser aller à des mouvements brusques qui pourraient rompre les relations ou [attachez vos ceintures!] blesser gravement l'organe viril en le tordant ou en le contusionnant." Pauvres, pauvres grands-mères! On nous demande ensuite pourquoi le mouvement féministe? Le même "savant" médecin pousse le cauchemar encore plus loin: "Le rapport vigoureux et court est certainement le meilleur: il suffira à satisfaire les sens, à assurer la fin du mariage et il est hygiénique. " On rit bien, mais ce n'est pas drôle.
À la même époque, certaines femmes devaient s'affubler de chemises de nuit trouées à quelques pouces du nombril. Elles les portaient en attendant patiemment que leurs époux, en pleine séance de masturbation, soient sur le point d'éjaculer. Au moment crucial, elles recevaient de but en blanc le sacro-saint sperme qui - les pieux époux l'espéraient - devait féconder l'ovule. Sinon, il fallait confesser cet état de péché regrettable. La masturbation rend sourd ou fou, donne du poil aux mains ou des boutons. "Ce mythe-là ne porte pas trop à conséquence si on le compare aux instruments de torture qui, encore en 1920, interdisaient la masturbation ou les pensées charnelles aux jeunes hommes et aux jeunes femmes", soutient Ann-Frances Paradis. Pour illustrer l'horreur de ces mythes issus du puritanisme religieux, mentionnons les ceintures de chasteté, destinées aux deux sexes. Un anneau muni de pics acérés diminuait beaucoup les érections du mâle, et une râpe incisive pour elle limitait la lubrification; les ceintures à électrochocs servaient à punir les deux.
La liste des divagations de l'histoire pourrait à elle seule remplir un bottin, mais ce sera pour une prochaine fois. Les mythes, mensonges et stéréotypes actuels étaient déjà trop nombreux pour qu'on en fasse le tour, alors... En ce début de millénaire, nos conversations sont encore truffées de mille et une chimères, mais que voulez-vous, on aime tellement ça qu'on en mangerait. Un p'tit chausson avec ça!
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